「L'ANNOCE FAITE A MARIE (マリアへのお告げ、P. Claudel)」 1 幕、1 場 (4)
ANNE VERCORS.
― Je suis las d'être heureux.
LA MÈRE.
― Ne méprise point le don que Dieu accorde.
ANNE VERCORS.
― Dieu soit loué qui m'a comblé de ses bienfaits !
Voici trente ans que je tiens ce fief sacré de mon père et que Dieu pleut sur mes sillons.
Et depuis dix ans il n'est pas une heure de mon travail
Qu'il n'ait quatre fois payée et une fois encore,
Comme s'il ne voulait pas rester en balance avec moi et laisser ouvert aucun compte.
Tout périt et je suis épargné.
En sorte que je paraîtrai devant lui vide et sans titre, entre ceux qui ont reçu leur récompense.
; que Dieu pleut sur mes sillons : pleuvoir に trans. あり。« Déverser, répandre (quelque chose). Un déluge tombé d'un ciel d'encre et de soir Dispose son linceul et pleut son désespoir Sur la ville. (http://www.cnrtl.fr/definition/pleuvoir) »
; ne voulait pas laisser ouvert aucun compte : 勘定をつける気がない ?
LA MÈRE.
― C'est assez que d'un cœur reconnaissant.
ANNE VERCORS.
― Mais moi je ne suis pas rassasié de ses biens,
Et parce que j'ai reçu ceux-ci, pourquoi laisserais-je à d'autres les plus grands ?
; rassasier < satiare
LA MÈRE.
― Je ne t'entends pas.
ANNE VERCORS.
― Lequel reçoit davantage, le vase plein, ou vide ?
Et laquelle a besoin de plus d'eau, la citerne ou la source ?
LA MÈRE.
― La nôtre est presque tarie par ce grand été.
ANNE VERCORS.
― Tel a été le mal du monde, que chacun a voulu jouir de ses biens, comme s'ils avaient été créés pour lui,
Et non point comme s'il les avait reçus de Dieu en commande.
Le Seigneur de son fief, le père de ses enfants,
Le Roi de son Royaume et le clerc de sa dignité.
C'est pourquoi Dieu a fait passer de lui toutes ces choses qui passent,
Et il a envoyé à chaque homme la libération et le jeûne.
Et ce qui est la part des autres, pourquoi non pas la mienne ?
; en commande : quelle commande ?
; de lui : de chaqun ?
; liberation de quoi ?
LA MÈRE.
― Tu as ton devoir avec nous.
ANNE VERCORS.
― Non pas si tu m'en délies.
LA MÈRE.
― Je ne t'en délierai pas.
ANNE VERCORS.
― Tu vois que la part que j'avais à faire est faite.
Les deux enfants sont élevés, Jacques est là qui prend ma place.
LA MÈRE.
― Qui t'appelle loin de nous ?
ANNE VERCORS souriant.
― Un ange sonnant de la trompette.
LA MÈRE.
― Quelle trompette ?
ANNE VERCORS.
― La trompette sans aucun son que tous entendent,
La trompette qui cite tous les hommes de temps en temps afin que les parts soient redistribuées.
Celle de Josaphat avant qu'elle n'ait fait bruit.
Celle de Bethléem quand Auguste comptait la terre.
Celle de l'Assomption, quand les apôtres furent convoqués.
La voix qui remplace le Verbe quand le chef ne se fait plus entendre
Au corps qui cherche son unité.
; citer : 召喚
; avant qu'elle n'ait fait bruit : ?
; « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu (Jean 1, 1) »
; corps m : 共同体
LA MÈRE.
― Jérusalem est si loin !
ANNE VERCORS.
― Le paradis l'est davantage.
LA MÈRE.
― Dieu au tabernacle est avec nous ici même.
ANNE VERCORS.
― Mais non point ce grand trou dans la terre.