「L'ANNOCE FAITE A MARIE (P. Claudel)」 4 幕、5 場 (9)
PIERRE DE CRAON.
― La vocation de la mort comme un lys solennel.
ANNE VERCORS.
― Bénie soit la mort en qui toute pétition du Pater est comblée.
; Pater : Pater noster
PIERRE DE CRAON.
― Pour moi c'est dès cette vie que d'elle-même et de ses lèvres innocentes
J'ai reçu libération et congé.
(Le soleil est dans la partie gauche du ciel, à la hauteur d'un grand arbre)
ANNE VERCORS.
― Voici le soleil dans le ciel,
Comme il est sur les images quand le Maître réveille l'ouvrier de la Onzième Heure.
; les images : quels images ?
; l'ouvrier de la Onzième Heure : Matthieu 20 : 6
(0n entend craquer la porte de la grange)
JACQUES HURY.
― Qu'est-ce que cela ?
ANNE VERCORS.
― C'est la paille qu'on va chercher dans la grange
Pour mettre au fond de la fosse.
(Silence. ― Bruit de battoir au loin)
; battoir m : (から竿の) 打ち木
VOIX D'ENFANT AU DEHORS :
Marguerite de Paris!
Prête-moi tes souliers gris !
Pour aller en paradis !
Qu'i fait beau !
Qu'i fait chaud !
J'entends le petit oiseau !
Qui fait pi i i i !
JACQUES HURY.
― Ce n'est point la porte de la grange, c'est le cri de la tombe qui s'ouvre !
Et m'ayant regardé de ses yeux aveugles celle que j'aimais passe de l'autre côté.
Et moi aussi je l'ai regardée comme un aveugle et sans preuves je n'ai point douté,
Je n'ai point douté de celle qui l'accusait.
J'ai fait mon choix, et celle que j'ai choisie,
Elle m'a été donnée. Que dirai-je ? Cela est bien ainsi.
Cela est bien ainsi.
Le bonheur n'est point pour moi, mais le désir ! il ne me sera pas arraché.
Et non point Violaine radieuse et intacte,
Mais la lépreuse au dessus de moi penchée avec un amer sourire et la plaie dévorante à son côté !
; Je n'ai point douté de M. qui accusait V.
; intact : à quoi l'on n'a pas touché; Vierge Intacte et pure
(Silence)
(Le soleil est derrière les arbres. Il brille à travers les branches. Le dessin des feuilles couvre la terre et les personnages assis. Ça et là une abeille d'or brille dans un trou de la lumière)
ANNE VERCORS.
― Me voici assis, et du haut de la montagne je vois tout le pays à mes pieds.
Et je reconnais les routes, et je compte les fermes et les villages, et je les connais par leurs noms et tous les gens qui y habitent.
La plaine par cette échappée à perte de vue vers le Nord !
Et ailleurs, se relevant, la côte autour de ce village forme comme un théâtre.
Et partout, à tout moment,
Verte et rose au printemps, bleue et blonde l'été, brune l'hiver ou toute blanche sous la neige,
Devant moi, à mon côté, autour de moi,
Je ne cesse point de voir la Terre, comme un ciel fixe tout peint de couleurs changeantes.
Celle-ci ayant une forme aussi particulière que quelqu'un, est toujours là avec moi présente.
Maintenant c'est fini.
Que de fois ne suis-je pas sorti de mon lit, allant à mon ouvrage !
Et maintenant voici le soir, et le soleil ramène les hommes et les animaux comme avec une main.
(Il se lève lentement et péniblement, et étend lentement les bras de toute leur longueur, tandis que le soleil devenu jaune le couvre)
Ah ! ah !
Voici que j'étends les bras dans les rayons de soleil, comme un tailleur qui mesure l'étoffe.
Voici le soir ! Aie pitié de tout homme, Seigneur, à ce moment qu'ayant fini sa tâche il se tient devant toi comme un enfant dont on examine les mains.
Les miennes sont quittes. J'ai fini ma journée! J'ai semé le blé et je l'ai moissonné, et dans ce pain que j'ai fait tous mes enfants ont communié.
A présent j'ai fini.
Tout-à-l'heure il y avait quelqu'un avec moi.
Et maintenant la femme et l'enfant s'étant retirés,
Je reste seul pour dire grâces devant la table desservie.
Toutes deux sont mortes, mais moi
Je vis, sur le seuil de la mort et une joie inexplicable est en moi !
; échappée f : espace libre mais resserré (ouvert à la vue, à la lumière)
; ne cesse point de voir : 見飽きることがない ? 「起きもせず寝もせで夜をあかしては春の物とてながめ暮らしつ」?
; voir la Terre, comme un ciel fixe : comme は voir、la Terre のどちらに接続している ?
; fixe : ?
; communier i : 聖餐に預かる
(L'Angelus sonne à l'église d'en bas.
Premier coup de trois tintements)
JACQUES HURY sourdement.
― L'Ange de Dieu nous avertit de la paix et l'enfant tressaille dans le sein de sa mère.
; Lc 1 : 41
; Angelus Domini 御告げの祈り cf. http://mikio.wada.catholic.ne.jp/Angelus.html
(Deuxième coup)
PIERRE DE CRAON.
― " Hommes de peu de foi, pourquoi pleurez-vous ? "
(Troisième coup)
ANNE VERCORS.
― " Parce que je vais à mon père et à votre père. "
; Jean 20 : 11 - 18
(Profond silence. Puis, volée)