「L'ANNOCE FAITE A MARIE (マリアへのお告げ、P. Claudel)」 2 幕、3 場 (3)
VIOLAINE.
― Je suis plus qu'un anneau, Jacques. Je suis un grand trésor.
JACQUES HURY.
― Oui, Violaine.
VIOLAINE.
― Ah, si je me donne à vous,
Ne saurez-vous pas préserver votre petite qui vous aime ?
JACQUES HURY.
― Voilà que vous doutez de moi encore.
VIOLAINE.
― Jacques ! Après tout je ne fais aucun mal en vous aimant. C'est la volonté de Dieu et de mon père.
C'est vous qui avez charge de moi ! Et qui sait si vous ne saurez pas bien me défendre et me préserver ?
Il suffit que je me donne à vous complètement. Et le reste est votre affaire et non plus la mienne.
JACQUES HURY.
― Et c'est ainsi que vous vous êtes donnée à moi, ma fleur-de-soleil ?
VIOLAINE.
― Oui, Jacques.
JACQUES HURY.
― Qui donc vous prendra d'entre mes bras ?
; prendra : enlèvra ?
VIOLAINE.
― Ah, que le monde est grand et que nous y sommes seuls !
JACQUES HURY.
― Pauvre enfant ! je sais que votre père est parti.
Et moi aussi je n'ai plus personne avec moi pour me dire ce qu'il faut faire et ce qui est bien et mal.
Il faudra que vous m'aidiez, Violaine, comme je vous aime.
VIOLAINE.
― Mon père m'a abandonnée.
JACQUES HURY.
― Mais moi, Violaine, je vous reste.
VIOLAINE.
― Ni ma mère ne m'aime, ni ma sœur, bien que je ne leur aie fait aucun mal.
Et il ne me reste plus que ce grand homme terrible que je ne connais pas.
(Il fait le geste de la prendre dans ses bras. Elle l'écarte vivement)
Ne me touchez pas, Jacques !
; ce grand homme terrible que je ne connais pas : J. ? 何で ?
JACQUES HURY.
― Suis-je donc un lépreux ?
VIOLAINE.
― Jacques, je veux vous parler, ah, que c'est difficile !
Ne me manquez point, qui n'ai plus que vous seul !
; manquer à qn : ... に悖る
JACQUES HURY.
― Qui vous veut aucun mal ?
VIOLAINE.
― Sachez ce que vous faites en me prenant pour femme !
Laissez-moi vous parler bien humblement, seigneur Jacques
Qui allez recevoir mon âme et mon corps en commande des mains de Dieu et de mon père qui les ont faits.
Et sachez la dot que je vous apporte qui n'est point celle des autres femmes,
Mais cette sainte montagne en prière jour et nuit devant Dieu, comme un autel toujours fumant,
Et cette lampe toujours allumée dont notre charge est de nourrir l'huile.
Et témoin n'est à notre mariage aucun homme, mais ce Seigneur dont nous tenons seul le fief,
Qui est le Tout-Puissant, le Dieu des Armées.
Et ce n'est point le soleil de Juillet qui nous éclaire, mais la lumière même de Sa face.
Aux saints les choses saintes ! Qui sait si notre cœur est pur ?
Jamais le mâle jusqu'ici n'avait manqué à notre race, toujours le sacré dépôt avait été transmis de père en fils,
Et voici que pour la première fois il tombe aux mains d'une femme et qu'il devient objet de convoitise avec elle.
; Obtenir, posséder un bénéfice en commande : Être nommé dans un bénéfice avec jouissance de ses revenus pendant la durée de sa vie; l'obtenir en dépôt, en garde. (www.cnrtl.fr)
JACQUES HURY.
― Violaine, non, je ne suis clerc, ni moine, ni béat.
Je ne suis pas le tourier et le convers de Monsanvierge.
J'ai une charge et je la remplirai
Qui est de nourrir ces oiseaux murmurants
Et de remplir ce panier qu'on descend du ciel chaque matin.
C'est écrit. C'est bien.
J'ai bien compris cela et me le suis mis dans la tête, et il ne faut pas m'en demander davantage.
Il ne faut pas me demander de comprendre ce qui est par dessus moi et pourquoi ces saintes femmes se sont murées là-haut dans ce pigeonnier.
Aux célestes le ciel et la terre aux terrestres.
Car le blé ne pousse pas tout seul et il faut un bon laboureur à celui d'ici.
Et cela, je peux dire sans me vanter que je le suis, et personne ne m'apprendra rien, ni votre père lui-même peut-être,
Car il était ancien et attaché à ses idées.
A chacun sa place, en cela est la justice.
Et votre père en vous donnant à moi
Ensemble avec Monsanvierge a su ce qu'il faisait, et cela était juste.
; béat : qui est hereux en Dieu < beatus : hereux
; tourier, -ière : 修道院の渉外係り
; frère convers : personne qui, dans un monastère ou un couvent, se consacre aux travaux manuels
; un bon laboureur à celui : ?
VIOLAINE.
― Mais moi, Jacques, je ne vous aime pas parce que cela est juste.
Et même si cela ne l'était pas, je vous aimerais encore et plus.
JACQUES HURY.
― Je ne vous comprends pas, Violaine.